Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/125

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ne l’écoutait pas. Elle se demandait en elle-même si oui ou non elle l’emmènerait avec elle. « Non, se dit-elle résolument ; je partirai seule avec mon fils. »

— Oui, c’est très mal, dit-elle enfin ; et, prenant son fils par l’épaule, elle eut pour lui un regard plus ému que sévère ; l’enfant fut troublé mais en lui-même il ressentit de la joie. L’embrassant alors :

— « Laissez-le-moi », dit-elle à la gouvernante étonnée ; et, tenant toujours son fils par l’épaule, elle s’assit à la table où le café était servi.

— Maman ! Je… je… ne… balbutiait l’enfant s’efforçant de lire sur le visage de sa mère ce qu’elle pensait de l’histoire de la pêche.

— Serge, dit-elle aussitôt que la gouvernante fut sortie, tu as mal agi, mais tu ne recommenceras plus ?… Dis-moi… m’aimes-tu ?

Elle sentait les larmes lui venir aux yeux. « Puis-je ne pas l’aimer, — se dit-elle, remarquant le regard de l’enfant qui exprimait à la fois la crainte et la joie, et se joindra-t-il à son père pour me punir ? N’aura-t-il pas pitié de moi ? » Des larmes coulaient maintenant sur son visage. Pour les cacher elle se leva précipitamment et, presqu’en courant, se sauva sur la terrasse.

Aux orages des jours précédents avait succédé un temps frais et clair ; et malgré l’éclat des rayons du soleil qui se reflétait sur les feuilles mouillées il faisait froid. Anna tressaillit au contact de cette