Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/317

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— Comment ! mais je n’ai pas cessé de penser à la mort, dit Lévine. C’est vrai qu’il est temps de mourir et que tout n’est que vanité. Je te le dirai franchement, je tiens beaucoup à mes idées et à mon travail, mais quand je pense que tout notre monde n’est qu’une petite proéminence sur une infime planète, quand je réfléchis à ce que peuvent être nos idées, nos œuvres… autant de grains de poussière…

— Mais, mon cher, tout cela est vieux comme le monde !

— Soit ! Mais vois-tu, une fois qu’on a compris tout cela clairement, quand on s’est rendu compte qu’il faut mourir, soit aujourd’hui, soit demain, et que fatalement il ne restera rien, comme tout cela devient misérable ! Les choses que je considère comme importantes sont dans la réalité aussi insignifiantes que le fait de retourner cette peau d’ours. Pourtant on passe sa vie à se distraire en chassant ou en travaillant, dans le seul but de ne pas penser à la mort.

En l’écoutant, Stépan Arkadiévitch souriait malicieusement, tendrement.

— Eh bien, je suis de ton avis, mais te souviens-tu de m’avoir reproché de rechercher le plaisir de la vie ! Ne sois donc pas un moraliste si sévère !

— Il se peut cependant qu’il y ait du bon dans la vie…

Lévine s’embarrassait :