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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/44

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dès qu’on le regardait, il souriait. Évidemment il était prêt à mourir plutôt que d’avouer qu’il trouvait la besogne trop dure.

Lévine marchait entre eux. En pleine chaleur, le travail lui semblait moins pénible. La sueur qui le couvrait le rafraîchissait et le soleil qui lui grillait le dos, la tête et les bras, lui donnait des forces et du courage. Il réussissait de plus en plus à perdre la conscience de sa besogne et la faux travaillait alors toute seule. C’étaient là d’heureux instants ; le bien-être en était encore accru quand on se rapprochait de la rivière, où se terminaient les rangs. Le vieux paysan essuyait sa faux avec l’herbe épaisse et humide, la plongeait dans l’eau fraîche de la rivière et, dans l’étui de la pierre à aiguiser, puisait de l’eau qu’il offrait à Lévine.

— Eh bien, prends mon kwass, est-il bon ? disait-il en clignant des yeux.

Et en effet, Lévine s’imaginait n’avoir jamais rien bu d’aussi bon que cette eau tiède dans laquelle nageaient des herbes et qui empruntait un goût de rouille à ce récipient improvisé.

Puis venait la promenade agréable et lente, pendant laquelle, la faux à la main, on pouvait s’éponger, respirer à pleins poumons, regarder la file des faucheurs et tout ce qui se passait alentour dans les bois et les champs.

Plus Lévine fauchait, plus fréquents étaient les instants d’oubli durant lesquels ce n’était plus ses