Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/46

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Lévine avait perdu la notion du temps. Si quelqu’un lui eût demandé depuis combien de temps il fauchait, il eût répondu : « depuis une demi-heure », tandis que l’heure du dîner approchait.

Comme ils retournaient sur leurs pas pour commencer un nouveau rang, le vieux attira l’attention de Lévine sur les enfants qui venaient de divers côtés, et qui disparaissaient presque derrière l’herbe haute.

Ils s’avancaient sur la route vers les faucheurs, leur apportant du pain et des cruchons de kvass bouchés avec des chiffons, et ces lourds bissacs leur tiraient les bras.

— Voilà les moucherons qui arrivent ! dit-il en les désignant ; et s’abritant les yeux de sa main, il regarda le soleil.

On faucha encore deux rangs, puis le vieux s’arrêta.

— Eh bien, not’ maître, il est temps de dîner, dit-il d’un ton décidé. Et, arrivés à la rivière, les faucheurs se dirigèrent à travers les rangs du côté de leurs vêtements près desquels, en les attendant, s’étaient assis les enfants qui apportaient le dîner. Les paysans se groupèrent les uns près du chariot, les autres sous un bouquet de cythise où ils avaient apporté de l’herbe.

Lévine s’assit près d’eux. Il ne voulait pas s’en aller. Les paysans se préparèrent à dîner. Les uns se lavaient, les jeunes garçons se baignaient dans