Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol17.djvu/59

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rien, mais se contentaient d’une tenue discrète, comme il sied à des gens bien élevés en présence d’une situation délicate et compliquée. Ils évitaient les allusions et les questions ; ils feignaient de comprendre parfaitement l’importance et le sens de la situation ; ils l’admettaient et même l’approuvaient, mais jugeaient inconvenant et inutile de se l’expliquer.

Vronskï devina aussitôt que Golinitchev était un de ces hommes ; c’est pourquoi il fut doublement heureux de le voir. En effet, quand Vronskï l’eut présenté à madame Karénine, son attitude envers elle fut précisément celle qu’il pouvait désirer ; sans le moindre effort apparent, il évitait toute conversation pouvant amener la gêne.

Golinitchev ne connaissait pas Anna, et fut frappé de sa beauté et encore plus de la simplicité avec laquelle elle acceptait sa situation. Elle rougit quand Vronskï lui présenta Golinitchev, et cette rougeur enfantine qui couvrit son beau visage lui plut infiniment. Mais il fut surtout charmé de la façon naturelle avec laquelle, afin d’éviter tout malentendu devant un étranger, elle appela Vronskï tout simplement Alexis, et dit qu’ils allaient s’installer dans une maison qu’on appelait dans le pays le palazzo.

Cette façon simple et franche d’envisager sa situation plut à Golinitchev, et lui qui connaissait Alexis Alexandrovitch et Vronskï, ne put s’empêcher