Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol17.djvu/77

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une cloison, en ferma la porte et se boucha les oreilles.

« La sotte ! » murmura-t-il, en s’asseyant à sa table. Il ouvrit un carton et se mit à travailler, avec une ardeur particulière, à une étude déjà commencée. Jamais il ne travaillait aussi bien que lorsque ses affaires allaient mal et surtout lorsqu’il venait de se quereller avec sa femme.

« Ah ! si elle pouvait disparaître quelque part ! » pensait-il tout en travaillant.

Il faisait l’esquisse d’un homme en proie à un accès de colère. Il avait fait autrefois une étude du même genre, et cette fois il était mécontent de lui.

« Non, l’autre était mieux, mais où est-elle ? »

Il rentra chez sa femme, et les sourcils froncés, sans la regarder, demanda à sa fille, l’aînée de ses enfants, le dessin qu’il lui avait donné. Le dessin se retrouva, mais barbouillé et couvert de taches de bougie. Néanmoins il l’emporta, le plaça sur sa table, l’examina à distance, en fermant à demi les yeux, puis sourit avec un geste satisfait.

« C’est ça ! c’est ça ! » prononça-t-il. Et saisissant un crayon, il se mit à dessiner rapidement. Une des taches de bougie donnait à son esquisse un aspect nouveau. Il s’en inspira, et, tout d’un coup, il se souvint de la tête énergique, au menton proéminent, du marchand chez lequel il achetait ses cigares, et s’en inspira. Aussitôt, un sourire de satisfaction se peignit sur son visage. L’esquisse