Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/108

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— Vivant ! Vivant ! Et un garçon ! Ne vous inquiétez pas ! entendit Lévine. C’était Élisabeth Petrovna qui parlait ainsi tout en tapotant d’une main tremblante le dos de l’enfant.

— Maman, est-ce vrai ? demanda Kitty.

Seuls les sanglots de la princesse lui répondirent.

Soudain, au milieu du silence, comme en réponse à la question de la mère s’éleva une tout autre voix que celles des personnes qui causaient à voix basse dans la chambre. C’était un cri audacieux, impérieux, celui d’un nouvel être humain, surgi on ne savait d’où.

Si auparavant on eût dit à Lévine que Kitty était morte avec son enfant, que les enfants sont des anges et que Dieu lui-même était là, devant eux, il n’en eut point été étonné ; mais maintenant, qu’il était de retour dans le monde réel, il faisait de grands efforts pour comprendre qu’elle était vivante, bien portante, et que l’être qui criait si éperdument était son fils.

Kitty était vivante, ses souffrances terminées, et il était extraordinairement heureux. Il comprenait cela et en était tout joyeux. Mais l’enfant ? D’où venait-il, pourquoi et qui était-il ?…

Il ne pouvait se faire à cette pensée. C’était pour lui quelque chose de trop, de superflu, à quoi pendant longtemps il ne put s’habituer.