Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/194

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ainsi irritée. — Quand pars-tu ? demanda-t-elle. Anna cligna les yeux regardant devant elle, et ne répondit pas.

— Qu’est-ce donc ? Kitty me fuit-elle ? demanda Anna regardant la porte et rougissant.

— Quelle idée ! Elle nourrit, et cela ne va pas… Je lui ai conseillé… Elle est très heureuse… Elle va venir tout de suite, dit Dolly maladroitement, ne sachant pas mentir. La voici.

Ayant appris qu’Anna était en visite, Kitty n’avait pas voulu se montrer, mais Dolly la persuada du contraire. Rassemblant ses forces, Kitty sortit et toute rouge s’approcha d’elle et lui tendit la main.

— Je suis très heureuse, dit-elle d’une voix tremblante.

Kitty était gênée de la lutte qui se passait en elle, entre le sentiment d’hostilité qu’elle éprouvait pour cette mauvaise femme et le désir de lui être indulgente. Mais dès qu’elle vit le visage beau et sympathique d’Anna, toute hostilité disparut.

— Je n’aurais pas été étonnée que vous ne vouliez pas vous rencontrer avec moi ; je suis habituée à tout. Vous avez été malade ? Oui : on voit que vous avez changé, dit Anna.

Kitty sentait qu’Anna la regardait hostilement. Elle se l’expliquait par la situation fausse d’Anna, autrefois sa protectrice. Elle eut pitié d’elle.

Elles causèrent de la maladie de l’enfant, de Stiva, mais, évidemment, rien n’intéressait Anna.