Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/221

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après les questions des allogènes, des amis d’Amérique, de la famine de Samara, de l’exposition, du spiritisme, — la question slave auparavant à peine entrevue de la société, venait de se poser à elle dans toute sa gravité ; et à cette question, Serge Ivanovitch s’adonna tout entier.

Dans le milieu auquel appartenait Serge Ivanovitch, en ce temps-là, on ne parlait que de la guerre serbe, on n’écrivait que sur ce sujet. Tout ce que fait d’ordinaire la foule oisive, pour tuer le temps, se faisait maintenant au profit des Slaves : bals, concerts, dîners, allumettes, toilettes des dames, bière, restaurants, tout témoignait de la sympathie pour les Slaves.

Serge Ivanovitch était, sur bien des points, en désaccord avec ce qu’on disait et écrivait sur cette question. Il constatait que la question slave était devenue un de ces sports mondains qui, toujours se remplaçant l’un par l’autre, servent à occuper l’attention de la société. Il voyait que beaucoup en faisaient une affaire lucrative, secondant leur ambition. Il convenait que les journaux publiaient beaucoup de choses inutiles et exagérées, dans le but seul d’attirer l’attention du public et de crier plus fort que les autres. Dans ce mouvement général de la société, il remarquait que c’étaient les malchanceux et les mécontents, qui allaient de l’avant et criaient plus fort que les autres : des chefs d’armée sans armées, des ministres sans ministères, des journa-