Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/255

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Ce qui le surprenait et le troublait le plus, c’était que la plupart des hommes de son milieu et de son âge, après avoir remplacé, comme lui, leur ancienne croyance par de nouvelles convictions, ne considéraient nullement cela comme un malheur et paraissaient parfaitement contents et tranquilles. De sorte que, en dehors de la question principale, d’autres encore tourmentaient Lévine : Ces gens étaient-ils sincères ? Mentaient-ils ? Ou peut-être comprenaient-ils autrement que lui, plus clairement, les réponses que la science donne aux questions qui le préoccupaient ? Et il étudiait soigneusement les opinions de ces hommes et les livres qui donnent ces réponses.

La seule certitude qu’il eût acquise depuis que ces questions l’occupaient, c’était qu’il se trompait en supposant, d’après ses souvenirs du milieu universitaire, que la religion avait déjà fini son temps et qu’elle n’existait plus. Tous les honnêtes gens, tous ses proches, croyaient : le vieux prince, Lvov qui lui plaisait tant, Serge Ivanovitch, et toutes les femmes. Sa femme croyait ; lui, dans son enfance, croyait comme les quatre-vingt-dix-neuf centièmes du peuple russe, tout ce peuple dont la vie lui imposait le plus grand respect.

Un autre résultat était qu’après avoir lu beaucoup de livres il s’était convaincu que les hommes partageant les mêmes convictions que lui, ne pensaient rien d’autre. Sans rien s’expliquer, ils lais-