Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/259

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d’accepter d’elle la croyance en Dieu, en la création, en la chute, la rédemption, que de commencer par ce Dieu lointain, mystérieux, Dieu créateur, etc. Mais après avoir lu une histoire de l’Église d’un écrivain catholique et une histoire de l’Église d’un écrivain orthodoxe, il remarqua que les deux Églises infaillibles par essence, se niaient ; aussitôt il fut désappointé de la doctrine de Komiakov sur l’Église, et cette construction tomba en poussière comme la construction philosophique.

Tout ce printemps Lévine vécut dans le trouble moral et traversa des moments terribles. « Si j’ignore ce que je suis, et pourquoi je suis, je ne peux pas vivre ; si je ne puis pas le savoir, alors je ne peux pas vivre », se disait-il.

« Dans un temps infini, dans l’infinité de la matière, dans l’espace infini, paraît une petite bulle organique. Cette bulle se soutient, éclate… cette bulle c’est moi. »

C’était l’erreur torturante, mais c’était l’unique, le dernier résultat du travail séculaire de la pensée humaine dans cette direction.

C’était cette dernière croyance sur laquelle étaient bâties, presque dans toutes les branches, toutes les recherches de la pensée humaine. C’était la conviction dominante, et Lévine, entre toutes les autres explications, l’avait adoptée, comme la plus claire, sans même s’apercevoir quand ni comment.

Or, non seulement ce n’était pas la vérité, c’était