Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/278

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mer la valeur des choses dont ils jouissaient : il leur était impossible d’établir un rapport entre ce qu’ils détruisaient et ce dont ils vivaient. « Tout cela c’est pareil, ont-ils pensé : il n’y a rien d’intéressant ni d’important dans tout cela ; c’était et sera toujours ainsi. Nous n’avons pas pensé à cela ; c’est fait ; nous voulions inventer quelque chose de nouveau. Voilà : nous avons inventé de mettre des framboises dans une tasse et de les cuire sur la bougie, de nous verser du lait comme d’une fontaine dans la bouche. Cela, c’est amusant et nouveau, ce n’est pas plus mal que de boire dans la tasse. »

« Est-ce que je ne fais pas la même chose en cherchant par la raison le sens des forces de la nature et de la vie de l’homme ? » se reprit-il à penser.

« Et n’est-ce pas la même chose que font toutes les théories philosophiques, par une voie de la pensée, étrange, impropre à l’homme, en l’amenant à la connaissance de ce qu’il sait depuis longtemps et qu’il sait si sûrement qu’il ne pourrait vivre sans cela. Est-ce qu’on ne voit pas clairement, dans le développement de la théorie de chaque philosophe qu’il connaît d’avance, aussi indiscutablement que le paysan Feodor, le sens principal de la vie, et ce n’est que par la voie spirituelle qu’il veut retourner à ce qui est connu de tous ?

« Eh bien, si on laissait les enfants seuls, se pourvoir à eux-mêmes, faire la vaisselle, traire le