Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/46

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— Comment va votre femme ? Vous étiez au concert ? Nous n’avons pas pu y aller. Maman devait assister à une messe funéraire.

— Oui, je sais. Quelle mort foudroyante ! dit Lévine.

La comtesse rentra, s’assit près de Lévine et l’interrogea aussi sur sa femme et le concert.

Lévine répondit et revint à la mort foudroyante de madame Apraxine.

— D’ailleurs, elle avait toujours eu une santé très précaire.

— Étiez-vous hier à l’Opéra ?

— Oui.

— Louka était très belle.

— Oui, très belle, dit-il ; et comme il se souciait peu de ce qu’on penserait de lui, il répéta ce qu’il avait entendu dire des centaines de fois sur les particularités du talent de l’actrice. La comtesse Bole feignait d’écouter. Quand il eut parlé assez, il se tut. Le colonel, jusqu’alors silencieux, prit la parole. Il parla aussi de l’Opéra et de l’éclairage. Enfin, après quelques mots sur la folle journée projetée chez les Turine, le colonel sourit, se leva avec bruit et prit congé. Lévine se leva également, mais au visage de la comtesse, il remarqua que pour lui le moment de partir n’était pas encore venu. Il fallait encore attendre deux minutes. Il se rassit. Mais presque tout le temps il pensait que c’était stupide et ne trouvait rien à dire ; il se taisait.