Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/85

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— Si tu savais ce que c’est pour moi, quand je sens, comme maintenant, que tu m’es hostile, oui, précisément hostile… Si tu savais ce que c’est pour moi ? Si tu savais combien en ce moment je suis prête à un terrible malheur, je le crains moi-même… Et elle se détourna, cachant ses sanglots.

— Mais pourquoi pleures-tu ? dit-il effrayé de ce désespoir ; et se penchant de nouveau vers elle il lui prit la main, et l’embrassa. — Pourquoi ? Est-ce que je cherche des distractions en dehors de la maison ? Est-ce que je n’évite pas la société des femmes ?

— Sans doute, dit-elle.

— Eh bien, dis-moi ce que je dois faire pour que tu sois tranquille ? Je suis prêt à faire tout pour que tu sois heureuse, dit-il touché de son désespoir. Alors que ne ferais-je pas pour te délivrer d’un chagrin comme celui que tu éprouves maintenant, Anna ?

— Rien, rien, dit-elle, je ne le sais pas moi-même… Peut-être la vie isolée, les nerfs… N’en parlons plus… Comment se sont passées les courses ? tu ne me l’as pas raconté, demanda-t-elle tâchant de cacher le triomphe de la victoire.

Il se fit servir à souper et se mit à lui raconter des détails sur les courses, mais à son ton, à ses regards qui devenaient de plus en plus froids, elle voyait qu’il ne lui pardonnait pas sa victoire, et que le sentiment d’obstination contre lequel elle