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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/391

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des terres nouvelles. Pakhom pensa : « Moi je n’ai pas besoin de quitter ma terre, mais si quelques-uns des nôtres s’en allaient, nous aurions ici plus de place. Je prendrais leur terre pour l’ajouter à la mienne et je vivrais mieux, car je me sens toujours à l’étroit ici. »

Un jour que Pakhom était à la maison, un chemineau, un paysan, entra chez lui. On le laissa passer la nuit, on lui donna à manger, et on lui demanda où Dieu le conduisait. Le paysan répondit qu’il venait d’en bas, de la Volga, qu’il y avait travaillé. De fil en aiguille, le paysan raconta comment les gens avaient émigré là : les siens s’y sont établis, se sont inscrits dans la commune, et on leur a distribué dix déciatines par âme. Il ajouta :

— Et la terre y est telle que le seigle qu’on y sème donne des épis si hauts et si épais qu’on ne voit plus les chevaux. Cinq poignées d’épis, et voilà une gerbe. Un paysan tout à fait pauvre, venu les mains vides, a maintenant six chevaux et deux vaches.

Pakhom, le cœur enflammé, pensait : « Alors pourquoi demeurer ici à l’étroit, quand on peut vivre bien, ailleurs ? Je vendrai ce que je possède ici, et avec l’argent, je bâtirai là-bas et m’y établirai. Tandis que vivre ici à l’étroit, c’est un péché ; il faut seulement que j’aille voir par moi-même. »