Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/111

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visage de Sonitchka, accident qui, disait-on, l’avait beaucoup enlaidie. En allant chez elles, je me rappelais vivement l’ancienne Sonitchka et je me demandais comment j’allais la trouver maintenant. À cause de son séjour de deux années à l’étranger, je me l’imaginais, je ne sais pourquoi, très grande, avec une jolie taille, sérieuse et imposante, mais extraordinairement attrayante. Mon imagination se refusait à me la représenter avec un visage couturé de cicatrices ; au contraire, ayant entendu quelque part qu’un amant passionné était resté fidèle à l’objet de son amour, bien que la variole l’eût défiguré, je m’efforcais de me croire amoureux de Sonitchka pour avoir le mérite de lui rester fidèle, en dépit des cicatrices. En m’approchant de la maison des Valakhine, je n’étais pas amoureux, mais ayant éveillé en moi les vieux souvenirs de l’amour, j’étais bien préparé à aimer et je le désirais beaucoup, d’autant plus que voyant tous mes amis amoureux, j’avais honte d’être si en retard sur eux.

Les Valakhine habitaient un petit hôtel propret, en bois, dont l’entrée était dans une cour. Au coup de sonnette, — la sonnette était alors une grande rareté à Moscou, — un tout jeune garçon, très proprement habillé vint m’ouvrir la porte. Il ne savait ou ne voulait pas me dire si ces dames étaient à la maison, et, me laissant seul dans l’antichambre obscure, il disparut dans un corridor plus obscur encore.