Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/218

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toujours pommadé et frisé, et en veston de tcherkess, pendant le dîner se tenait debout derrière sa chaise, et que souvent, devant lui, en français, elle invitât ses hôtes à admirer ses beaux yeux et sa bouche, il n’y avait en elle rien de semblable à ce que dénommaient les commérages des voisins. En effet, il paraît que depuis dix années, précisément quand Anna Dmitrievna fit venir près d’elle son fils le respectueux Petroucha, elle avait changé tout à fait sa vie. Le domaine d’Anna Dmitrievna était petit, en tout cent et quelques âmes, et pendant sa vie joyeuse, les dépenses furent fortes, de sorte que dix années avant, le domaine engagé et surengagé était arrivé au bout et devait être vendu publiquement. Dans ces circonstances extrêmes, supposant que la tutelle, la saisie du domaine et tous les autres désagréments, provenaient moins du paiement des intérêts que de ce qu’elle était femme, Anna Dmitrievna écrivit à son fils, alors au régiment, pour qu’il vînt sauver sa mère de ce malheur. Bien que le service de Piotr Vassilievitch fût en si bonne voie qu’il espérait gagner bientôt sa vie, il quitta tout, donna sa démission, et, en bon fils, qui croit de son premier devoir de faire tranquille la vieillesse de sa mère (ce qu’il lui écrivit très franchement dans ses lettres), il vint à la campagne.

Malgré son visage laid, disgracieux et son bégaiement, Piotr Vassilievitch était un homme de prin-