Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette même soirée, je détestai l’étudiant de Derpt, que je voulus lui lancer une chaise et que je me retins, je me rappelle qu’outre le même sentiment de désobéissance de tous mes membres que j’avais éprouvé au dîner chez Iar, ce soir-là, ma tête me faisait tant de mal et tournait tellement que j’avais peur de mourir sur-le-champ. Je me rappelle aussi que nous nous sommes tous assis sur le plancher, et qu’agitant les mains pour imiter le mouvement des rames nous chantions : « En descendant la mère Volga », et qu’à ce moment, je pensais qu’il ne fallait pas du tout faire cela. Je me rappelle encore, qu’étendu sur le plancher, je luttai à la manière des tziganes, que je cassai le cou à quelqu’un et que je pensai que cela ne serait pas arrivé si ce quelqu’un n’avait pas été ivre. Je me rappelle encore qu’on soupa et but encore autre chose, que je sortis dans la cour pour me rafraîchir, que j’avais froid à la tête et qu’en partant j’ai remarqué qu’il faisait horriblement noir, que le marchepied de la voiture était devenu glissant et penchait et qu’on ne pouvait se tenir à Kouzma car il était devenu très faible et fléchissait comme une guenille. Mais je me rappelle principalement que pendant toute cette soirée je sentis que j’étais idiot de feindre d’être gai, d’aimer beaucoup à boire et de n’être pas ivre, et je sentis vivement que les autres faisaient aussi une grande bêtise en feignant la même chose. Il me semblait que