Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/42

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sous moi, et cahin-cahan, nous partîmes par Vozdgenka. En route je remarquai que le dossier de la drojki était raccommodé d’un morceau d’étofte verdâtre, la même que celle dont était fait l’armiak du cocher. Cela me rassura un peu, et je n’eus plus peur d’être emmené par le cocher dans une ruelle et d’y être dévalisé.

Quand nous arrivâmes au couvent, le soleil, déjà assez haut, dorait vivement les coupoles des églises. À l’ombre, il y avait encore de la gelée, mais par toute la route coulaient les ruisseaux rapides, sales, et le cheval piétinait la boue fondue. Ayant franchi l’enceinte du monastère, à la première personne que je rencontrai, je demandai comment trouver le confesseur.

— Voilà sa cellule, — me dit un moine qui passait, en s’arrêtant un moment pour me montrer une petite maisonnette avec un perron.

— Je vous remercie beaucoup, dis-je.

Que devaient penser de moi les moines qui, tous l’un après l’autre, en sortant de l’église, me regardaient ? Je n’étais ni un homme, ni un enfant, mon visage n’était pas lavé, mes cheveux pas peignés, mon habit était plein de duvet, mes chaussures non cirées étaient couvertes de boue. « Ces moines qui me regardent, dans quelle classe de la société me mettent-ils ? » Et ils me regardaient attentivement. Cependant je marchai dans la direction que m’avait indiquée le jeune moine.