Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/57

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rasée. La plupart se connaissaient entre eux, parlaient à haute voix, nommaient les professeurs par leurs noms, préparaient les questions, se passaient des cahiers, enjambaient les bancs, apportaient du dehors des gâteaux et des sandwichs qu’ils mangeaient sur place, en baissant seulement la tête au niveau des bancs. Enfin, les candidats de la troisième catégorie, peu nombreux, étaient tout à fait âgés, en habit, la plupart en redingote, et l’on n’apercevait pas leur linge. Très sérieux, ils étaient assis isolément et avaient un aspect très sombre. Celui qui m’avait consolé, parce qu’il était sûrement plus mal habillé que moi, appartenait à cette dernière catégorie. La tête appuyée dans ses deux mains, des mèches grisonnantes, ébouriffées, passant entre ses doigts, il lisait dans un livre ; pour un seul moment il jeta sur moi un regard de ses yeux brillants, pas tout à fait bienveillants, fronça sévèrement les sourcils et avança de mon côté son coude luisant afin que je ne pusse m’approcher plus près de lui. Les lycéens, au contraire, étaient trop familiers et j’en avais un peu peur. L’un d’eux, me fourrant un livre dans la main, m’ordonna : « Passez à celui-là » ; un autre, en passant devant moi, me dit : « Laissez-moi passer, mon vieux » ; un troisième, pour enjamber le banc, s’appuya sur mon épaule comme sur du bois. Tout cela m’étonnait et m’ennuyait. Je me croyais beau-