Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol20.djvu/180

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Nous sommes convaincus de cela parce que :

1o Il y a en nous une lutte incessante entre l’esprit et la chair, la raison et les passions, les tendances vers le bien et les entraînements au mal. 2o Dans cette lutte incessante, presque toujours la victoire reste du côté de la chair, des passions et du mal ; la chair prévaut en nous sur l’esprit ; les passions dominent la raison, et les entraînements au mal prévalent sur les aspirations au bien. Nous aimons le bien par notre nature, nous le désirons, nous y trouvons du plaisir ; mais pour le faire les forces nous manquent ; nous n’aimons point le mal naturellement, mais nous y sommes irrésistiblement entraînés. 3o Nous ne contractons l’habitude du bien qu’avec de grands efforts et très lentement, au lieu que, celle du mal, c’est bien vite et sans le moindre effort qu’elle se forme en nous, et réciproquement. 4o Nous éprouvons la plus grande difficulté à nous défaire d’un défaut quelconque, à vaincre telle ou telle passion, même parfois la plus insignifiante, au lieu qu’il suffit souvent de la tentation la plus légère pour nous faire renier une vertu qui nous a coûté bien des combats. Cette prédominance du mal sur le bien dans la nature humaine fut remarquée dans tous les temps (p. 610).

Suivent les témoignages de l’Ancien Testament et des Apôtres, d’après quoi le monde vit dans le mal ; ensuite :

D’où provient un tel désordre dans la nature humaine ? D’où viennent cette lutte contre nature entre ses facultés et ses tendances, cette prédomination contre nature de la chair sur l’esprit et des passions sur la raison, enfin cette inclination contre nature au mal prévalant sur le penchant naturel au bien ?

Tout ce que les hommes ont pu imaginer pour rendre raison de cet état de choses est dénué de fondement ou même absurde ; la seule explication qui puisse nous sa-