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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol20.djvu/356

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14), et que sans sa grâce nous ne puissions ni entreprendre, ni rien faire de vraiment bon, néanmoins cette puissance divine, tout en coopérant en nous et par nous, ne contraint en aucune façon notre liberté, ne l’entraîne pas irrésistiblement au bien (p. 338).

Que signifie cela ? Traduit en langage clair, cela veut dire que la grâce n’entrave pas notre liberté, mais que sans elle nous ne pouvons faire rien de bon. Où donc est la liberté ? Selon cette définition, elle ne peut consister qu’à faire le mal de toutes manières. Et le raisonnement tout entier est de même valeur. De sorte qu’à la fin, comme conclusion, on dit :

La saine raison, de son côté, ne peut se défendre d’observer que, si la grâce divine contraignait la liberté de l’homme et l’entraînait forcément au bien, il n’y aurait plus en lui de motif à la vertu ; ses bonnes actions n’auraient plus aucun mérite, et en général toute sa moralité serait sapée, et qui serait l’auteur de tout cela ? Dieu lui-même ! De telles idées sont-elles admissibles ? Il est vrai que la raison n’est point en état d’expliquer comment la puissance divine, en agissant sur l’homme, lui laisse sa pleine liberté, ni de fixer avec précision le rapport mutuel de ces deux mobiles. Néanmoins, ce mystère-là doit être pour nous hors de doute, puisque nous avons tant d’excellentes raisons pour croire que l’homme, loin d’être dépouillé de sa liberté par l’influence de la grâce divine, prend une part active aux œuvres que cette grâce opère en lui et par lui (p. 341).

En d’autres termes, la théologie reconnaît elle-même qu’elle ne comprend rien à ce qu’elle dit, mais qu’elle estime qu’il faut croire en ce mystère, c’est-