Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/150

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d’après elle, ne fut éprouvée que par Adam au paradis lors de la création. Quant à la question : Mangerai-je ou ne mangerai-je pas ces pommes qui me tentent ? elle n’existe pas pour l’homme, d’après cette doctrine. Cette question a été résolue une fois pour toutes par Adam, au paradis. Adam a péché et tous les hommes sont déchus, sans retour, et nos efforts pour vivre raisonnablement sont vains et même impies. Je suis irrémédiablement mauvais, et je dois le savoir. Et mon salut ne dépend pas de mes efforts pour vivre raisonnablement. Non. Adam a péché une fois pour toutes, et Christ, une fois pour toutes, a effacé le mal commis par Adam. C’est pourquoi je dois m’attrister, en spectateur, de la chute d’Adam et me réjouir de la rédemption du Christ.

Tout cet amour pour le bien et la vérité qui est au fond de l’âme de l’homme, tous ses efforts pour éclairer sa conduite par la raison, — toute la vie spirituelle, — tout cela, d’après cette doctrine, est non seulement insignifiant, mais une tentation de l’orgueil.

La vie telle qu’elle est sur la terre, avec ses joies, ses splendeurs, sa lutte de la raison contre les ténèbres, — la vie de tous les hommes qui ont vécu avant moi, toute ma vie à moi, avec ses luttes intérieures et les victoires de ma raison, tout cela n’est pas la vraie vie, c’est la vie déchue, définitivement misérable. La vie vraie, infaillible, n’est