Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/20

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indifférence pour tout ce qui me paraissait l’essentiel de la doctrine du Christ, et, au contraire, son attachement pour tout ce qui me paraissait accessoire. Je sentais qu’il y avait là quelque chose de faux, mais il m’était impossible de découvrir quoi, et cela parce que la doctrine de l’Église ne niait pas ce qui me semblait essentiel dans la doctrine du Christ, au contraire, elle le reconnaissait entièrement, mais elle s’arrangeait de façon à ne pas lui accorder la première place. Je ne pouvais pas reprocher à l’Église de nier l’essentiel, mais elle le reconnaissait d’une façon qui ne me satisfaisait pas. L’Église ne me donnait pas ce que j’avais attendu d’elle.

J’étais passé du nihilisme à l’Église, uniquement parce que j’avais senti l’impossibilité de vivre sans religion, c’est-à-dire sans savoir ce qui est bien et ce qui est mal, en dehors de mes instincts animaux. Cette science, j’avais espéré la trouver dans le christianisme. Mais le christianisme, tel qu’il m’apparut alors, n’était qu’une certaine disposition spirituelle, très vague, de laquelle on ne pouvait déduire des règles claires et obligatoires pour la vie, et je m’adressais à l’Église pour trouver ces règles. Mais l’Église m’offrait des règles qui ne me rapprochaient pas de la disposition chrétienne qui m’était si chère ; elles m’en éloignaient plutôt. Je ne pouvais suivre l’Église. Ce qui m’était cher et indispensable, c’était les vérités chrétiennes ; or l’Église