Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/22

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doctrine, l’Église en parlait dans les termes les plus vagues, les plus nébuleux, les plus mystiques. Était-ce là ce qu’avait voulu le Christ en enseignant sa doctrine ? Je cherchais dans les évangiles une réponse à cette question. Je les lisais et les relisais. Dans les évangiles, le Sermon sur la Montagne m’apparaissait toujours comme quelque chose d’exceptionnel. Aussi était-ce ce passage que je lisais le plus souvent. Nulle part ailleurs Christ ne parle avec autant de solennité, nulle part il ne donne des règles morales plus claires, plus accessibles, qui trouvent plus d’écho dans le cœur de chacun ; nulle part il ne s’adresse à une plus grande foule de gens du peuple. S’il existe des principes chrétiens clairs et précis, c’est dans ce passage qu’on doit les trouver. Je cherchai donc la solution de mes doutes dans ces trois chapitres de Matthieu. Plusieurs fois j’ai relu le Sermon sur la Montagne et, chaque fois, j’ai éprouvé la même chose : d’une part, de l’enthousiasme et de l’attendrissement à la lecture de ces versets qui exhortent à présenter la joue, à abandonner ses biens, à être en paix avec tout le monde, à aimer ses ennemis ; d’autre part, une sorte de déception. Les paroles de Dieu restaient obscures pour moi. Elles exhortaient à un renoncement trop absolu de toutes choses, ce qui anéantissait la vie même, comme je la comprenais ; par conséquent, renoncer à tout ne pouvait être, me semblait-il, la condition