Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/244

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fices quelconques, tandis que ce n’est que la confirmation des conditions dans lesquelles chaque homme vit toujours inévitablement. Un disciple de Christ doit être préparé à tout, surtout aux souffrances et à la mort. Mais le disciple du monde n’est-il pas dans la même situation ? Nous sommes si habitués à nos mensonges, que tout ce que nous faisons pour la soi-disant garantie de notre existence : nos armées, nos forteresses, nos approvisionnements, nos vêtements, nos soins médicaux, tous nos biens, notre argent, — tout cela nous paraît quelque chose de stable, une garantie sûre de notre existence. Nous oublions, évidemment, ce qui arriva à chacun, ce qui arriva à celui qui voulait bâtir des greniers afin de s’assurer l’abondance pour longtemps : il mourut dans la même nuit. Tout ce que nous faisons pour assurer notre existence ressemble à ce que fait l’autruche quand elle s’arrête et cache sa tête pour ne pas voir comment on va la tuer. Bien mieux : pour établir les garanties, lointaines, dont nous ne profiterons même pas, d’une vie incertaine dans un avenir incertain, nous compromettons sûrement une vie certaine dans le présent certain.

L’erreur repose sur la fausse conviction que notre existence pourrait être garantie par la lutte avec les autres. Nous sommes tellement habitués à cette tromperie des soi-disant garanties de notre existence et de notre propriété que nous ne remar-