Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/286

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quelques bases morales de la vie clairement formulées. Il n’y en a pas. Il n’y a même pas la conscience de leur nécessité. Il s’est même formé à cet égard la conviction étrange qu’elles sont superflues, que la religion n’est pas autre chose que certaines sentences sur la vie future, sur Dieu ; certaines cérémonies très utiles pour le salut de l’âme, selon les uns, complètement inutiles, selon les autres, mais que la vie se fait toute seule, d’elle-même, qu’elle n’a besoin ni d’aucune base ni d’aucune règle, qu’il suffit de faire ce que l’on vous ordonne. Ce qui constitue la substance de la foi, c’est-à-dire la doctrine qui règle la vie, est considéré comme secondaire ; mais, l’explication de la vie passée, les raisonnements et les conjectures sur la marche historique de la vie, cela est considéré comme important et sérieux. Pour tout ce qui constitue la vie de l’homme, l’ensemble de ses actes, quand il faut décider entre tuer ou ne pas tuer, juger ou ne pas juger, élever des enfants d’une certaine façon ou autrement, — pour tout cela les hommes de notre monde se fient humblement à d’autres gens, qui ne savent pas non plus pourquoi ils vivent et pourquoi ils prescrivent aux autres de vivre d’une certaine façon plutôt que d’une autre.

Et c’est une pareille existence que les hommes trouvent raisonnable, et dont ils n’ont pas honte !

L’antagonisme entre les principes religieux qu’on appelle la foi, et la foi elle-même qui est