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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/140

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vailler, faire travailler pour moi des centaines et des milliers de gens. C’est ce que je fais. Et je m’imagine que je plains les gens et veux leur aider ! Je suis assis sur le cou d’un homme, je l’écrase et j’exige qu’il me porte, et sans descendre de son dos je me convaincs moi-même et je cherche à convaincre les autres que je le plains beaucoup et que je veux améliorer sa situation par tous les moyens possibles, excepté celui de descendre.

C’est pourtant simple ! Si je veux aider les pauvres, c’est-à-dire faire que les pauvres ne soient plus pauvres, je ne dois pas produire ces mêmes pauvres. Suivant mon caprice, je donne aux pauvres qui se sont égarés de la voie de la vie, des dizaines, des centaines de roubles, et, avec ces mêmes roubles, j’en prends des milliers aux gens qui ne sont pas encore égarés dans cette voie et par cela je les rends pauvres et, en plus, je les déprave.

C’est très simple, mais il m’était très difficile de le comprendre, de ne faire aucune réserve qui justifiât ma situation. Cependant je m’avouai ma faute et tout ce qui, auparavant, semblait étrange, compliqué, vague, insoluble, devint compréhensible et simple. L’orientation de ma vie, qui découlait de cette explication, au lieu d’être sombre, vague et tourmentée, est devenue simple, claire, agréable. Que suis-je, moi, qui veux aider les hommes ? Je veux aider les hommes, et je me lève à midi, après le whist à