si nous réfléchissons à cette expression, nous sommes aussitôt frappés de son injustice et même de son insanité. Cette expression porte en soi une contradiction. La conception de l’ouvrier renferme la conception de la terre sur laquelle il vit, et des instruments avec quoi il travaille. S’il ne vivait pas sur la terre et n’avait pas d’instruments de travail, il ne serait pas ouvrier. Quiconque est privé de terre et d’instruments de travail ne fut jamais et ne peut être ouvrier. Un agriculteur ne peut subsister sans la terre qu’il cultive, sans la faux, la charrue, le cheval. Un cordonnier ne peut subsister sans la maison bâtie sur le sol, sans air, sans eau, sans les instruments avec lesquels il travaille. Si le paysan n’a pas de terre, de faux ; si le cordonnier n’a pas d’abri, d’eau, d’alène, alors c’est que quelqu’un l’a chassé de la terre, lui a enlevé ou dérobé la faux, la charrue, le cheval, l’alène. Mais cela ne signifie point qu’il peut exister des agriculteurs sans charrues et des cordonniers sans leurs outils. De même qu’on ne peut se représenter un pêcheur sur la terre, sans canot, à moins qu’on ne l’ait chassé du bord, et qu’on ne lui ait pris ses filets, de même on ne peut se représenter un paysan, un cordonnier sans la terre où ils vivent et sans les outils, sauf dans le cas où quelqu’un les a chassés de la terre et leur a pris leurs instruments.
Il peut exister de tels hommes qu’on chasse d’un