Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/198

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les esclaves sous sa dépendance, non seulement par la faim, mais aussi par la soif, par la misère, par le froid, par toutes sortes de privations.

La troisième forme de l’esclavage, celle de l’argent, s’établit. Voici en quoi elle consiste. Le fort dit au faible : Avec chacun de vous à part, je puis faire ce que je veux ; je peux tout simplement tuer chacun à coups de fusil, je peux vous tuer en prenant la terre qui vous nourrit. Pour l’argent que vous devez me fournir, je puis acheter votre pain et le vendre aux étrangers et n’importe à quel moment vous tuer tous par la famine. Je puis prendre tout ce que vous possédez : bétail, habitations, habits, mais ce serait incommode et désagréable, c’est pourquoi je vous laisse disposer à votre guise de votre travail ; seulement donnez-moi de l’argent dont je fixerai la quantité par tête ou d’après la terre où vous vivez, ou d’après la quantité de votre nourriture, ou de votre boisson, ou de vos habits, ou de vos bâtiments. Donnez-moi ces espèces, et entre vous, arrangez-vous comme vous l’entendrez, mais sachez que je ne défendrai ni veuves, ni orphelins, ni vieillards, ni infirmes, ni malades, ni incendiés ; je défendrai seulement la régularité de la circulation de cet argent. Seul celui qui me donnera régulièrement l’argent exigé aura raison devant moi, seul je le défendrai ; quant à la façon dont l’argent sera acquis, je m’en moque.