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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/243

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— Quinze ans passés, — dit-elle, répondant immédiatement à une question sans doute habituelle.

— Eh bien ! avance. On gèle avec toi, que le diable t’emporte ! — cria l’agent.

Elle quitta la claie, et en se balançant descendit au poste par la ruelle Khamovnitcheskï. Moi je tournai dans la porte cochère, entrai à la maison et demandai si mes filles étaient rentrées. On me dit qu’elles avaient été en soirée, s’étaient beaucoup amusées, qu’elles étaient de retour et dormaient déjà.

Le lendemain matin, je voulus aller au poste savoir ce qu’on avait fait de cette malheureuse. Je me préparais à sortir d’assez bonne heure, quand arriva chez moi un de ces gentilshommes malheureux qui, par faiblesse, se sont égarés hors de la vie à laquelle ils étaient habitués et, tantôt se relèvent, tantôt retombent.

Je connaissais celui-ci depuis trois ans. Pendant ces trois années, cet homme, plusieurs fois déjà, avait vendu tout ce qu’il possédait, même ses vêtements. Il lui était arrivé de passer la nuit dans la maison Rjanov, à l’asile de nuit, et, le jour, il venait chez moi. Il me rencontra comme je sortais et, sans m’écouter, se mit à me raconter ce qui était arrivé cette nuit à la maison Rjanov ; il commença son récit, mais ne le conduisit pas jusqu’à moitié ; tout-à-coup, cet homme âgé, qui