pailles, des beuveries, de la musique, des chants, des danses, des orgies perpétuelles.
Ici on ne peut justifier cela en disant que c’est établi. Rien de pareil n’était établi ; mais nous-mêmes établissons soigneusement cette vie en prenant le pain et le labeur des gens harassés de travail.
Nous vivons comme s’il n’y avait aucun lien entre notre vie et la blanchisseuse mourante, la prostituée de quatorze ans, les femmes anémiées par la fabrication des cigarettes, le travail excessif, et le manque de nourriture, des vieilles femmes et des enfants. Nous vivons gaîment, dans le luxe, comme s’il n’y avait aucun lien entre cette vie et la nôtre. Nous ne voulons pas voir que sans notre vie oisive, luxueuse et dépravée, ce travail excessif n’existerait pas. Et si ce travail n’existait pas, notre vie ne serait pas ce qu’elle est.
Il nous semble que les souffrances sont une chose et notre vie autre chose, et qu’en vivant comme nous le faisons, nous sommes innocents et purs comme des colombes.
Nous lisons les descriptions de la vie des Romains et nous nous étonnons des cruautés, des richesses de ces Lucullus sans âme qui se rassasiaient de mets et de boissons quand le peuple mourait de faim. Nous hochons la tête et nous nous étonnons de la sauvagerie de nos aïeux, propriétaires d’esclaves, qui installaient chez eux des or-