Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/36

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la raison, de l’imagination, étouffait en moi cette voix de la conscience. C’était l’époque du recensement. Ce me sembla l’occasion de fonder les œuvres de bienfaisance par quoi je voulais montrer ma vertu. Je connaissais plusieurs des établissements et sociétés de bienfaisance existant à Moscou, mais toute leur activité me semblait mal dirigée et inefficace en comparaison de ce que je voulais faire, et j’inventai ceci : exciter parmi les riches la compassion pour la misère de la ville, recueillir de l’argent, réunir des gens désireux de participer à cette œuvre ; en profitant du recensement, parcourir tous les asiles de la misère et, en outre du travail du recensement, entrer en contact avec les malheureux, apprendre les détails de leurs misères, les secourir par l’argent ou le travail, les aider à quitter Moscou, aider au placement des enfants dans les écoles, des vieillards dans les asiles et les hospices. Je pensais encore que, parmi les gens qui s’occuperaient de cela, il se formerait une société permanente, qui, en se partageant les arrondissements de Moscou, veillerait à ce que la pauvreté et la misère n’y reparussent plus, en les détruisant dès leur apparition ; une société qui remplirait moins le rôle de guérir que de créer l’hygiène de la pauvreté de la ville. Je me représentais déjà non seulement qu’il n’y aurait plus de mendiants dans la ville, mais même de besogneux, et que c’était moi