Je pense que les ouvriers préféreraient ne jamais voir de tableaux, ne pas entendre de symphonie, ne pas lire de vers et de nouvelles, que d’être obligés de nourrir tous ces parasites.
On pourrait se demander : pourquoi les artistes ne servent-ils pas le peuple ?
Dans chaque izba, il y a des icônes, des tableaux. Chaque paysan, chaque femme chante ; beaucoup ont des instruments de musique ; tous racontent des histoires, récitent des vers, plusieurs lisent des livres. Comment se fait-il donc que ces deux choses, faites l’une pour l’autre comme la clef et la serrure, se soient séparées de telle façon qu’on ne puisse plus les accorder ?
Dites au peintre de travailler sans atelier, sans modèle, sans costume, et de faire des tableaux de cinq kopeks, il vous dira que c’est renoncer à l’art comme il le comprend. Dites à un musicien de jouer de la balalaïka, de l’accordéon, de la guitare, d’apprendre aux femmes du peuple à chanter des chansons ; dites à un poète, à un écrivain, de laisser là poèmes, romans et satires et de composer des recueils de chansons, des histoires, des contes accessibles aux illettrés, ils vous diront que vous êtes fou. N’est-ce pas la pire folie, que les hommes, seulement au nom de la nourriture spirituelle avec quoi ils nourrissent les gens qui les élèvent, les nourrissent, les habillent, s’affranchissent du travail, et ensuite oublient tellement leur