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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/376

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S’il n’était permis qu’à certains de préparer la nourriture, et si c’était défendu aux autres, ou s’ils étaient placés dans l’impossibilité de le faire, je crois que la qualité de la nourriture deviendrait pire. Si les paysans russes avaient le monopole de la fabrication de la nourriture, il n’y aurait pas d’autres aliments que du pain noir, du kvass, des pommes de terre, des oignons, rien sauf ce qu’ils aiment et qui leur est agréable. Le même phénomène se produirait avec cette activité supérieure humaine de la science et de l’art, si le monopole de l’exploitation était accaparé par une seule caste, mais seulement avec cette différence que pour la nourriture corporelle on ne peut s’écarter beaucoup du pain et des oignons, car bien que ce ne soit pas une nourriture très bonne, elle est mangeable, et qu’avec la nourriture spirituelle il peut y avoir des écarts plus grands et que certaines gens peuvent se nourrir longtemps d’une nourriture spirituelle qui ne leur soit pas nécessaire mais nuisible, et qui les empoisonne. Ils peuvent eux-mêmes se tuer lentement par l’opium et l’alcool et donner aux masses ces mêmes aliments.

C’est ce qui nous est arrivé. Et c’est arrivé parce que la situation des savants et des artistes est privilégiée, parce que, dans notre monde, ce n’est pas toute l’activité raisonnable de l’humanité tout entière qui met ses meilleures forces au service de la science et de l’art, mais c’est