Aller au contenu

Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/418

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déjà mieux ne pas vivre, dit la philosophie la plus à la mode, celle de Schopenhauer et de Hartmann. Si la vie est telle, mieux vaut ne pas vivre, dit le nombre toujours croissant des suicides dans la classe privilégiée. Si telle est la vie, alors même pour la future génération, mieux vaut ne pas vivre, dit la médecine protégée par la science et les moyens qu’elle invente pour détruire la fécondité des femmes.

La Bible donne à l’homme cette loi : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front, tu enfanteras dans la douleur ».

Le paysan Bondarev, qui a écrit un article sur ce sujet, a éclairé pour moi la sagesse de ces paroles. (Pendant toute ma vie deux penseurs russes ont eu sur moi une grande influence morale, ont enrichi ma pensée et m’ont expliqué ma propre conception du monde. Ce n’étaient ni des poètes, ni des savants, ni des prédicateurs, mais deux hommes remarquables qui vivent encore, deux paysans : Sutaïev et Bondarev)[1].

Mais nous avons changé tout ça, comme dit un personnage de Molière, qui, en divaguant sur la médecine, a découvert que le foie est à gauche. Nous avons changé tout ça : il ne faut pas que les hommes travaillent pour se nourrir, les machines feront tout cela ; les femmes ne doivent pas engen-

  1. Depuis, tous deux sont morts.