Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/34

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poste raconta de terribles meurtres commis récemment sur la route. « Voilà, Voilà ; ça commence ! » se disait Olénine et il attendait toujours la vue des montagnes couvertes de neige dont on lui avait parlé maintes fois. Une fois, un peu avant le soir, le postillon nogaï, lui montra du fouet la montagne qu’on apercevait à travers des nuages. Olénine se mit à regarder avec fixité ; mais le temps était sombre et les nuages couvraient à moitié la montagne. Il aperçut quelque chose de gris, de blanc, de contourné, mais, malgré tous ses efforts, il ne pouvait trouver rien de beau à l’aspect des montagnes dont il avait lu tant de descriptions, et qu’il avait si souvent entendu vanter. Il trouva que les montagnes avaient tout à fait le même aspect que les nuages, et que cette beauté particulière des montagnes couvertes de neige, dont on lui avait parlé, était une invention du même genre que la musique de Bach et l’amour, auxquels il ne croyait pas ; et il cessa de désirer voir des montagnes. Mais le lendemain matin, de bonne heure, éveillé dans son chariot à cause de la fraîcheur, au hasard il regarda vers sa droite. Le ciel était tout à fait clair. Tout à coup, il vit, à vingt pas de lui, comme il lui sembla au premier moment, d’énormes masses d’un blanc pur, aux contours légers, aux profils capricieux, nettement dessinés, et la ligne aérienne de leur sommet sur le