Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/443

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et des favoris énormes, portant un fusil et une giberne, s’approcha de notre bûcher.

— Pays, du feu, s’il vous plaît, pour allumer ma pipe, — dit-il.

— Et quoi, allumez, il y a assez de feu, — remarqua Tchikine.

— Pays, vous parlez sûrement de Darghui ? — demanda le fantassin à Antonov.

— Oui, de l’année 45 et de Darghui… — répondit Antonov.

Le fantassin hocha la tête, cligna des yeux et s’assit près de nous sur les talons.

— Oui, il y avait de tout là-bas, — remarqua-t-il.

— Pourquoi donc l’avez-vous laissé ? — demandai-je à Antonov.

— Il souffrait beaucoup du ventre. Quand nous étions arrêtés, ça allait, mais dès que nous nous mettions en mouvement, il criait horriblement. Il suppliait au nom de Dieu qu’on le laissât. Ça faisait de la peine. Mais quand lui commençait déjà à nous inquiéter fortement, à tuer trois servants de notre canon, un officier, nous nous sommes détachés d’une façon quelconque de notre batterie, ce fut un malheur ! Impossible de songer à emmener le canon. Il y en avait de la boue !

— Le pire, c’est que la boue était sur la montagne Indeïskaïa, — remarqua un soldat.

— Oui, et c’est précisément là-bas qu’il se sen-