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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/222

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mis à invectiver Maslova, l’appelant galérienne.

— Eh bien ! as-tu gagné quelque chose ? Tu l’as ce que tu mérites. Au bagne tu ne la feras plus ta belle.

Maslova demeurait impassible, les mains enfoncées dans les manches de sa capote, la tête baissée, regardant obstinément à deux pas devant elle le plancher piétiné ; elle dit seulement :

— Je ne m’occupe pas de vous, laissez-moi tranquille. Je ne m’occupe pas de vous, — répéta-t-elle à plusieurs reprises, puis elle se tut.

Elle ne s’anima un peu que quand on emmena Botchkova et Kartinkine, et qu’un gardien entra, porteur de trois roubles.

— C’est toi, Maslova ? — demanda-t-il. — Voici ce qu’une dame t’envoie, ajouta-t-il en lui tendant l’argent.

— Quelle dame ?

— Tiens, prends, nous n’avons pas à vous faire la conversation.

L’argent était envoyé par la Kitaieva. Celle-ci, en sortant de l’audience, avait demandé à l’huissier si elle pouvait donner un peu d’argent à Maslova. L’huissier lui avait répondu qu’elle le pouvait. Alors, ôtant avec précaution le gant de peau de Suède qui recouvrait sa main blanche et potelée, elle avait pris, dans la poche de derrière de sa robe de soie, un portefeuille dernier genre, bourré d’une grande quantité de coupons qu’elle venait