Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nés son séducteur. Quand elle sortit de chez la sage-femme, il ne lui en restait plus que six. L’argent fondait entre ses mains ; elle dépensait pour elle et donnait à qui demandait. Ses deux mois de pension chez la sage-femme lui avaient coûté, pour la nourriture et le thé, quarante roubles ; elle en avait prélevé vingt-cinq pour envoyer l’enfant à l’asile ; quarante lui avaient été empruntés par la sage-femme pour acheter une vache ; il restait vingt roubles que Katucha avait dépensés en toilettes, en achats inutiles et en cadeaux ; aussi, quand Katucha fut guérie, n’avait-elle plus d’argent et se trouvait-elle dans l’obligation de chercher une place. Elle en trouva une chez un officier des forêts. Il était marié, mais de même que l’agent de police, il se mit à la poursuivre de ses assiduités, dès le premier jour. Il répugnait à Katucha, et elle faisait tout pour l’éviter. Mais il la surpassait en expérience et en ruse, et, justement parce qu’il était le maître, il pouvait l’envoyer où il voulait ; et, saisissant un moment propice, il la posséda. La femme surprit un jour son mari dans une chambre, avec Katucha, et se jeta sur celle-ci pour la battre. Une lutte s’en étant suivie, ce fut un prétexte pour la chasser sans lui payer ses gages. Katucha se rendit alors à la ville et s’arrêta chez une tante. Le mari de cette tante était relieur, et avait été autrefois dans une bonne situation ; mais maintenant ses clients