Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/28

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tremetteuse commença par inviter, à un repas, la tante et Maslova, et après avoir grisé cette dernière, elle lui offrit de la faire entrer dans la plus belle et la meilleure maison de la ville, en lui faisant ressortir tous les avantages et tous les privilèges de cette situation. Maslova avait donc à choisir entre deux partis : ou la situation humiliée de servante, probablement l’objet des poursuites des hommes, et obligée de se livrer à la prostitution clandestine et provisoire ; ou une situation assurée et tranquille, une prostitution ouverte, protégée par la loi, et très lucrative ; elle choisit le second parti. En outre, elle pensait se venger ainsi de son séducteur, du commis et de tous les hommes qui lui avaient fait du mal. Néanmoins, il y avait pour la décider une tentation plus puissante : c’était la promesse faite par l’entremetteuse qu’elle pourrait se choisir toutes les robes qui lui plairaient : en velours, en faille, en soie, et des robes de bal découvrant ses épaules et ses bras. Et quand Maslova se vit, en pensée, habillée d’une robe de soie de couleur jaune clair, décolletée et garnie de revers de velours noir, alors, elle n’y put tenir, et remit son passeport à l’entremetteuse. Le même soir celle-ci prit un fiacre et conduisit Maslova dans une maison très connue, la maison de madame Kitaïéva.

De ce jour commença pour Maslova cette vie de violation constante de toutes les lois divines et