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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/299

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veillants. D’un côté se tenaient les prisonniers, de l’autre les visiteurs. Ils étaient ainsi séparés par deux grillages et un espace vide de trois archines, si bien qu’il n’était pas possible aux visiteurs de remettre quelque chose aux prisonniers, ni même de les bien voir, surtout pour quelqu’un de myope. Il était également difficile de parler ; pour se faire entendre, il fallait crier de toutes ses forces. Des deux côtés les visages se collaient aux grillages : femmes, maris, pères, mères, enfants, cherchaient à se voir et à dire ce qu’il fallait. Et comme chacun voulait se faire entendre, que les voix se couvraient réciproquement, chacun se voyait bientôt forcé de crier plus fort que ses voisins. C’était la raison du brouhaha dont Nekhludov avait été frappé en entrant dans la salle. Il ne fallait pas songer à savoir ce qui se disait. La seule chose possible était de deviner sur les visages ce dont il était question et les relations existant entre les interlocuteurs. Tout près de Nekhludov, une petite vieille, un fichu sur la tête, était collée contre la grille, et, le menton tremblant, interpellait un jeune homme pâle dont la tête était à demi-rasée. Le prisonnier, les sourcils froncés, semblait écouter avec attention. À côté de la vieille, un jeune homme en poddiovka faisait des signes de tête à un prisonnier qui lui ressemblait, à barbe grise, le visage fatigué.

Plus loin, un loqueteux faisait de grands gestes,