Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/375

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tandis que cette fois on les avait tous arrêtés, et depuis bientôt deux mois, ils étaient retenus en prison comme des criminels.

— Nous sommes tous carriers, et du même artel. Nous ne sommes pas cause si la prison a brûlé dans notre gouvernement. Pour l’amour de Dieu, faites quelque chose pour nous.

Nekhludov écoutait, et ne comprenait même pas ce que lui disait cet homme, qui marquait bien, parce que toute son attention était attirée, malgré lui, sur un énorme pou gris, qui, des cheveux du vénérable carrier, était venu se promener sur sa joue.

— Est-ce possible ? Est-ce seulement pour cela ? — demanda Nekhludov, s’adressant au sous-directeur.

— Oui, il aurait fallu les renvoyer chez eux, — répondit celui-ci.

À peine le sous-directeur avait-il fini de parler qu’un petit homme, également vêtu de la capote des prisonniers, se détachant du groupe, prit la parole à son tour pour se plaindre de la façon dont les malmenaient les gardiens. Il parlait en faisant une étrange grimace de la bouche.

— Pire que des chiens… — commença-t-il.

— Allons, allons, il ne faut pas trop parler non plus, autrement, tu sais…

— Qu’ai-je à savoir ? répliqua le petit homme d’un ton désespéré. — Sommes-nous coupables ?