— Un paysan, accusé injustement, et auquel j’ai procuré un avocat pour le défendre. Mais il ne s’agit pas de cela. Vraiment est-il possible que des hommes qui ne sont coupables de rien soient emprisonnés uniquement parce que leurs passeports sont périmés, et…
— Cela regarde le procureur, l’interrompit Maslennikov avec dépit. Eh bien, tu la vois cette justice rapide et équitable ! Cependant le devoir du substitut du procureur est de visiter les prisons et de s’enquérir de la légalité des détentions. Mais il ne fait rien, sauf jouer au whist.
— Alors, tu ne peux rien faire ? demanda Nekhludov d’un air navré, en se souvenant des paroles de l’avocat : que le gouverneur rejettera toute la responsabilité sur le procureur.
— Si, je ferai. Je vais me renseigner sans tarder.
— Tant pis pour elle. C’est un souffre-douleur, s’écria dans le salon une voix de femme, assurément très indifférente à ce qu’elle disait.
— Tant mieux, je prendrai aussi celle-ci, disait, plus loin, la voix enjouée d’un homme, qu’interrompit un rire de femme.
— Non, non, pour rien au monde, reprit une voix de femme.
— C’est entendu, je ferai le nécessaire, reprit Maslennikov, en éteignant sa cigarette avec sa main blanche ornée d’une turquoise montée en bague ; et maintenant retournons près de ces dames.