Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/48

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attendaient ; l’un d’eux, un grand et gros marchand, qui évidemment avait bu et mangé copieusement, était de l’humeur la plus joyeuse ; le second était un commis, d’origine juive. Ils s’entretenaient du cours des laines quand Nekhludov s’approcha d’eux et leur demanda si c’était bien là le lieu de réunion des jurés.

— Ici, monsieur, ici. Un juré aussi, sans doute, un collègue ? — ajouta le brave marchand avec un sourire et un clignement d’œil joyeux.

— Eh bien, nous allons travailler de compagnie, — reprit-il dès que Nekhludov eut répondu affirmativement. Et il ajouta en tendant au prince sa main large et molle : — Baklachov, de la deuxième guilde. Et à qui ai-je le plaisir de parler ?

Nekhludov se nomma et passa dans la salle du jury.

Dans cette petite salle, une dizaine d’hommes, de toutes conditions, étaient réunis. Ils venaient d’arriver ; les uns s’étaient assis, tandis que les autres marchaient en s’examinant mutuellement et liant connaissance. Il y avait là un retraité en uniforme ; d’autres jurés étaient en redingote, en veston ; un seul était en poddiovka.

Malgré que certains d’entre eux avaient dû abandonner leurs affaires et s’en plaignaient bien haut, tous portaient sur leurs visages un air de satisfaction et la conscience qu’ils avaient de remplir un grand devoir social.