Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/61

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étaient assis quatre femmes, évidemment des ouvrières ou des servantes, et deux hommes, sans doute aussi des ouvriers, tous très impressionnés par le décor imposant de la salle, et c’est pourquoi parlant à voix basse et craintivement.

Après avoir introduit et placé les jurés, l’huissier s’avança au milieu de la salle, et d’une voix haute, comme pour en imposer à l’assistance, il annonça :

— Le tribunal !

Tout le monde se leva, et les juges montèrent sur l’estrade : le président, avec ses biceps et ses beaux favoris ; puis le juge morose, aux lunettes d’or, paraissant plus renfrogné encore parce que, juste au moment d’entrer en audience, il avait rencontré son beau-frère, candidat à la magistrature, qui, revenant de chez sa sœur, l’avait prévenu qu’il n’y aurait pas de dîner.

— De sorte que nous irons dîner au restaurant, avait dit le beau-frère en riant.

— Rien de risible, avait répondu le juge, devenant encore plus morne.

Et enfin, le troisième membre de la cour, ce même Matveï Nikititch qui était toujours en retard : un homme barbu, avec de bons grands yeux aux poches gonflées. Il souffrait d’un catarrhe de l’estomac, et le matin même, sur la prescription du docteur, il avait commencé un nouveau régime, qui l’avait forcé de rester à la maison bien plus tard que de coutume. Il arrivait sur l’estrade l’air