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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/101

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vice fini, quand elle fut seule dans la chambre où elle couchait avec une autre garde-malade, elle prit la photographie et, immobile, la regarda longuement en caressant des yeux les plus infimes détails des figures, des vêtements, des degrés du perron, des massifs servant de fond, sur lequel se détachaient son visage à lui, le sien, et ceux des vieilles tantes. Elle examinait la photographie passée, jaunie, et y revoyait surtout avec joie sa propre image, jeune, jolie, les boucles de ses cheveux entourant son front. Elle était si plongée dans cette contemplation qu’elle ne vit même pas sa compagne entrer dans la chambre.

— Qu’est-ce donc ? C’est lui qui te l’a donnée ? lui demanda, penchée au-dessus de la photographie, la grosse et bonasse garde-malade. Est-ce vraiment toi ?

— Et qui donc ? fit Maslova avec un sourire en regardant sa compagne.

— Et ça, c’est lui ? Et ça, c’est sa mère ?

— Sa tante. Mais ne m’aurais-tu pas reconnue ? demanda Maslova.

— Jamais de la vie ! Ton visage n’est plus du tout le même. Elle date d’au moins dix ans !

— Ce ne sont point les années, c’est toute la vie ! répondit Maslova, perdant tout à coup son animation. Son visage devint triste, et une ride se creusa entre ses sourcils.

— Quoi ? La vie était facile « là-bas », je pense !