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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/161

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chapitre rédigé la veille, il attaquait ces hauts personnages, les accusant, suivant sa propre expression, de l’avoir empêché de sauver la Russie de la ruine où l’entraînaient les dirigeants actuels — qui, en réalité, l’avaient empêché de toucher de plus gros appointements ; — et maintenant il se demandait comment ce fait parviendrait à la postérité, sous un jour tout nouveau.

— Parfaitement, répondit-il, sans écouter, à Wolff qui lui avait adressé la parole.

Quant à Bé, il écoutait Wolff avec tristesse, en dessinant des guirlandes sur un papier placé devant lui. Bé était un libéral sincère. Il conservait pieusement les traditions des années 60 et s’il lui arrivait de s’écarter de sa scrupuleuse impartialité, c’était toujours dans un sens libéral. Ainsi, dans cette affaire, outre que le plaignant était un homme malhonnête, Bé opinait pour la confirmation du jugement, parce que cette accusation de diffamation portée contre un journaliste était une atteinte à la liberté de la presse. Quand Wolff eut achevé l’exposé des motifs, Bé, abandonnant sa guirlande, se mit à parler avec mélancolie, — cette tristesse lui venait d’avoir à faire la preuve de tels truismes. D’une voix douce, agréable, il démontra avec simplicité, d’une façon évidente, le mal fondé de la plainte ; puis il baissa sa tête aux cheveux blancs, et continua sa guirlande.