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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/206

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l’enfer. Toporov, comme tous les hommes qui ne possèdent pas un fond de sentiments religeux, basés sur la conscience de l’égalité et de la fraternité, était tout à fait convaincu que le peuple est composé d’êtres de tout autre essence que lui et qu’il a besoin de choses dont lui-même n’avait que faire. Dans le fond de son âme il ne croyait à rien et trouvait cela très commode et très agréable, mais il craignait que le peuple n’en arrivât là, et il considérait comme son devoir sacré, disait-il, de le sauver de cet état.

De même que dans les traités culinaires, il est dit que les écrevisses aiment à être cuites vivantes, il était absolument convaincu, et non au sens figuré, comme dans le livre de cuisine, mais à la lettre, que le peuple aime à être superstitieux.

Avec la religion dont il était le soutien, il raisonnait comme le fermier avec la charogne dont il nourrit ses poules ; la charogne est bien répugnante, mais les poules l’aiment et la mangent. Aussi faut-il les en nourrir.

Toutes ces icônes d’Ivérie, de Kazan, de Smolensk, c’est évidemment de la plus grossière idolâtrie, mais le peuple aime cela, y croit, il faut donc entretenir ces superstitions. Il semblait à Toporov que le peuple aime les superstitions parce qu’il ne réfléchissait pas que s’il en est ainsi, c’est qu’il se trouva toujours des hommes cruels comme lui,