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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/290

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et bel animal humain il avait été, animal infiniment plus parfait, en son espèce, que le cheval isabelle, dont la blessure irritait si fort le capitaine des pompiers. Et cependant on l’avait tué, et non seulement personne ne le regrettait comme homme, mais même comme bête de somme inutilement perdue. Chez tous ces gens, cette mort ne provoquait qu’un sentiment : le dépit pour le tracas engendré par la nécessité d’écarter ce corps que menaçait la décomposition. Le médecin, l’aide-chirurgien et le commissaire de police entrèrent dans la salle. Le médecin, un homme trapu, était en veston de tussor et pantalon de même étoffe, étroit, moulant ses jambes musclées. Le commissaire était petit, gros, et sa face bouffie et rouge devenait plus sphérique encore par l’habitude qu’il avait de remplir ses joues d’air et de les vider très lentement. Le médecin s’assit au bord du lit sur lequel était étendu le mort, et, comme tout à l’heure l’aide-chirurgien, il palpa les mains, ausculta le cœur, puis il se leva en remontant son pantalon.

— On ne peut être plus mort ! dit-il. Le commissaire gonfla d’air ses joues et les dégonfla lentement.

— De quelle prison ? demanda-t-il au soldat du convoi.

Le soldat lui répondit et s’inquiéta des fers qui entouraient les jambes du cadavre.